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On oublie le dernier rêve ; on se remémore toujours le premier amour.
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29 mars 2009

La société civile mondiale

Qu’en est-il de la réalité d’une société civile mondiale ?
 Raymond Aron la voyait comme un concept utopique, 
pourtant, aujourd’hui, celle-ci existe bel et bien.            

«  Je ne pense pas que la formule société internationale ou, de préférence, mondiale constitue un véritable concept. Elle désigne sans la décrire une totalité qui inclurait à la fois le système interétatique, le système économique, les mouvements transnationaux et les formes diverses d’échanges (…) de sociétés civiles à sociétés civiles, les institutions supranationales. Peut-on appeler société cette sorte de totalité qui ne garde presque aucun des traits caractéristiques d’une société ? (…) J’en doute » (Raymond Aron, Les Dernières Années du siècle, 1984).
En 2005, le centième anniversaire de la naissance de R. Aron (1905-1983) a été l’occasion de faire le point sur sa pensée, dont l’influence est de plus en plus grande dans les sciences sociales actuelles. La présence dans les cercles du pouvoir de plusieurs disciples de R. Aron (Nicolas Baverez, Jean-Claude Casanova…) renforce encore le poids de la pensée du maître. D’où l’intérêt de la publication des actes d’un colloque consacré à Raymond Aron et la démocratie du xxie siècle (De Fallois, 2007). De ses lectures précises de Karl Marx à sa réflexion sur le totalitarisme en passant par ses liens avec les néoconservateurs américains, tous les aspects de la pensée de R. Aron sont examinés. À la lecture des interventions de Pierre Manent (sur la démocratie) et de Marcel Gauchet (sur la religion), on ne peut qu’être marqué par la puissance de sa réflexion sociologique.
Le contraste avec les faiblesses et les limites de la réflexion géopolitique n’en est que plus frappant. Car quelles que soient les qualités des grands ouvrages de R. Aron sur les relations internationales, sur la guerre et sur la géopolitique (particulièrement Paix et guerre entre les nations – son « grand œuvre » –, 1962), celui-ci est passé complètement à côté de ce qui était la principale tendance du monde de la seconde moitié du xxe siècle : la construction tendancielle de la société-monde.
Comme l’a signalé Nicole Gnesotto lors de ce colloque, une grande partie des dynamiques de fond de l’espace mondial ne pouvait qu’échapper à un R. Aron défenseur des analyses interétatiques du monde (ce que l’on appelle le « courant réaliste » des relations internationales). La survalorisation de la place de l’État-nation conduit R. Aron à marginaliser les autres acteurs. Il ne nie pas la puissance des firmes multinationales, par exemple, mais il la ramène à une lecture nationale : « Ce qui est bon pour General Motors est bon pour les États-Unis. » Plus grave, l’importance de la naissance du droit mondial (avec les conséquences du procès de Nuremberg), l’apparition de l’opinion publique mondiale, les grands changements qui conduisent Marshall McLuhan à voir l’émergence d’un « village planétaire » dès le début des années 1960…, tout cela échappe à ses analyses.
Face à R. Aron pourtant, et ce dès les années 1950, un politologue comme Marcel Merle (1923-2003) était capable de mettre le doigt sur les limites de l’analyse en termes d’États-nations. Auteur en 1974 de Sociologie des relations internationales, M. Merle fut l’un des premiers à s’intéresser à toute cette série de phénomènes émergents.
La violence planétaire actuelle, et plus particulièrement le renouveau du terrorisme, ne remettent-ils pas en cause l’existence de la société mondiale et ne valident-ils pas, en fin de compte, les réticences de R. Aron ? Cette violence est-elle compatible avec l’idée même du « village planétaire » ?

Le « village planétaire », malgré tout ?

L’édition 2007 du Global Civil Society Yearbook apporte une contribution intéressante à ce débat. Cet annuaire, publié depuis 2000, est entièrement consacré cette année aux relations entre la violence et la possibilité de la société-monde. Issu pour partie de travaux réalisés à la très sérieuse London School of Economics (LSE), le Global Civil Society Yearbook 2007 affirme – à la manière de l’anthropologue Paul Dumouchel – que le développement du terrorisme reflète, « indistinctement et obscurément », l’existence implicite de cette société civile mondiale : « La violence géopolitique contemporaine n’est pas dissociable de la constitution (d’une société-monde) dont le caractère global n’autorise pas d’autre expression du conflit violent qu’au sein de lui-même. »
Dans « Violence and the possibility of global civility », Martin Albrow et Helmut Anheier affirment la nécessité « de s’inscrire à la fois dans une perspective théorique, et de s’intéresser au sujet dans la longue durée ». Ils montrent que les analyses doivent opposer l’ancien état de guerre « westphalien » – où les États s’affrontent en termes de puissance nationale – et l’état de violence actuel qui n’est plus, justement, un état de guerre. Ils constatent que si les formes de grande ampleur de violence politique existent – tout particulièrement le terrorisme –, cet état de violence n’est pas entièrement opposable aux progrès réalisés par la société civile mondiale.
Quelle est donc la réalité actuelle de la société-monde ? Comme le montrent depuis deux ans les travaux du Human Security Centre (Vancouver), la réalité géopolitique mondiale, c’est aussi la diminution de plus de 40 % du nombre de conflits depuis le début des années 1990, la baisse du nombre de crises internationales de plus de 70 %, la progression de l’alphabétisation du monde, un rejet de la violence comme moyen d’action politique désormais partagé par des parts croissantes des sociétés.
Contrairement à ce que R. Aron affirmait, la société-monde existe bel et bien. Mais il faut les bons outils pour la faire apparaître.

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Commentaires
K
Merci pour l'article, depuis que j'ai découvert la revue Hérodote, je suis une passionnée de géopolitique
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