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On oublie le dernier rêve ; on se remémore toujours le premier amour.
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1 avril 2009

L'esperanto vu par Pierre Desproges

Zamenhof (Lejzer Ludwik), médecin et linguiste polonais, né à Bialystok (1859-1917). On lui doit l'invention de l'espéranto.
Tout le monde s'en fout et c'est dommage. Quand on sait qu'à la base de tous les conflits, de toutes les haines, de toutes les guerres, de tous les racismes, il y a la peur de l'Autre, c'est-à-dire de celui qui ne s'habille pas comme moi, qui ne chante pas comme moi, qui ne danse pas comme moi, qui ne prie pas comme moi, qui ne parle pas comme moi ; quand on sait ces choses, dis-je, on est en droit de se demander si, par dessus les têtes couronnées des potentats abscons qui nous poussent au massacre tous les quatre printemps, l'usage d'une langue universelle ne saurait pas nous aider à résoudre nos litiges et à tolérer nos différences avant l'heure imbécile du fusil qu'on décroche et du clairon qui pouète. Enfin. Bon. Utopie.

Lejzer Ludwik Zamenhof est mort à Varsovie le 5 septembre 1917, dans des circonstances dramatiques. Il n'est pas trop fort de dire qu'il est mort pour l'espéranto. Ce jour-là, il descendait la Vistule. Un alligator, d'autant plus désagréable qu'il s'emmerdait tout seul (la proportion d'alligators par habitant en Pologne n'atteint pas zéro pour mille), fit volontairement chavirer son frêle esquif dans les eaux troubles et glauques. L'Alligator, qui ne savait pas nager, coula à pic. Quant à Zamenhof, c'est en vain qu'il appela à l'aide les nombreux pêcheurs à la ligne témoins du drame. Aucun de ces braves hommes ne parlait l'espéranto. Aucun ne comprit que le vibrant "Au secouro !" poussé par Zamenhof signifiait "Au secours!". Ainsi, alors que d'autres, comme la marquise de Pompadour, réussissent une carrière grâce au maniement d'une langue, Lejzer Ludwik Zamenhof mourut d'avoir voulu montrer la sienne à tous les passants.

Aujourd'hui, Zamenhof repose à l'ombre d'un grand cyprès dans le cimetière juif de Varsovie. Pourquoi au cimetière juif, alors que, de notoriété publique, il était plus catholique qu'un essaim d'intégristes? Parce que Zamenhof, jusqu'au bout fidèle à son idéal, avait exigé que l'adresse de sa dernière demeure figurât en espéranto sur le couvercle de son cercueil. Pour un croque-mort polonais, hélas, l'espéranto, c'est de l'hébreu.

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Commentaires
L
Ce texte est, par ailleurs, également traduit en espéranto. Par exemple, ici :<br /> <br /> <br /> <br /> http://esperanto-panorama.net/dosierujo/fr/desproges.htm<br /> <br /> <br /> <br /> Zamenhof (Lejzer Ludwik), pola kuracisto kaj lingvisto, naskita en Bialystok (1859-1917). Eltrovis Esperanton. La mondo fajfas pri ĝi, kaj estas bedaŭrinde. Se oni konscias pri tio, ke ĉiuj konfliktoj, ĉiuj malamoj, ĉiuj militoj, ĉiuj rasismoj, fontas el la timo de la Alia, t.e. de tiu, kiu ne vestas sin kiel mi, ne kantas kiel mi, ne dancas kiel mi, ne preĝas kiel mi, ne parolas kiel mi -- se oni scias tion ĉi, oni rajtas demandi sin, ĉu eble, super la kronitaj kapoj de la potenculaj moŝtoj kiuj pelas nin al amasbuĉado ĉiujn iks jarojn, uzado de unu universala lingvo povus helpi nin solvi niajn disputojn kaj toleri niajn diferencojn antaŭ ol venos la momento de stulteco, de pafil-ekpreno kaj trumpet-eksono. Nu, bone -- utopio. <br /> <br /> <br /> <br /> Lejzer Ludwik Zamenhof mortis en Varsovio la 5an de septembro 1917, en dramecaj cirkonstancoj. Ne estus troigo diri, ke li mortis pro Esperanto. Tiun tagon, li boatis laŭflue en Vistulo. Aligatoro, kies jam malbonan humoron pliakrigis soleco kaj enuo (la pokapa nombro de aligatoroj en Pollando situas sub nul promil), intence renversis lian malfortikan flosaĵon en la malklaran, dubekoloran akvon. La aligatoro, ne scipovanta naĝi, sinkis tuj, dum Zamenhof vane helpokriadis al la multnombraj fiŝkaptemuloj, spektantaj la dramon. Neniu el tiuj bravuloj parolis Esperanton. Neniu komprenis ke la sonora "Oskuro!" aŭdigata el la buŝo de Zamenhof signifis "Helpon!". Oni diras, ke Markizino de Pompadour (kaj ne nur ŝi) sukcesis en sia vivo dank'al sia sperteco pri lingvo/lango; Lejzer Ludwik Zamenhof mortis pro tio, ke li volis montri la sian al ĉiuj preterpasantoj. <br /> <br /> <br /> <br /> Nuntempe, la korpo de Zamenhof kuŝas sub ombro de alta cipreso en la juda tombejo de Varsovio. Kial en la juda tombejo, dum estas bone sciate ke li estis pli katolika ol la Vatikana Konklavo? Ĉar Zamenhof, ĝisoste fidela al sia idealo, postulis ke la adreso de lia lasta ripozejo aperu en Esperanto sur la kovrilo de lia ĉerko. Kaj por pola tombfosisto, bedaŭrinde, Esperanto estas same nekomprenebla kiel la hebrea. <br /> <br /> <br /> <br /> Pierre Desproges <br /> <br /> <br /> <br /> Noto de la tradukinto: france "au secours", prononcata oskur', signifas ĝuste "helpon!"
R
Rappelons que l'espéranto a été conçu comme une langue auxiliaire, seconde par essence, et qu'il fait partie des présupposés de la langue qu'elle ne doit être la langue maternelle de personne (ainsi le fameux argument du "tout le monde est égal devant", et le "s'apprend le plus facilement possible"). L'idée est de lutter contre l'absorption de plusieurs langues par une seule, en respectant les langues maternelles de tous. Quand on voit que l'inuit a récemment disparu et que l'anglais tend à tout absorber, l'espéranto, ce n'est pas la peur de l'Autre, mais plutôt une tentative de le préserver. L'espéranto, contrairement à beaucoup d'autres langues, est née dans le souci du multiculturalisme.
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