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On oublie le dernier rêve ; on se remémore toujours le premier amour.
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On oublie le dernier rêve ; on se remémore toujours le premier amour.
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7 février 2009

Des nains juchés sur des géants (Chronique de Michel Onfray)

Entre Caen et Argentan, alors que je rentre de mon cours à l’université populaire, j’écoute France Musique en voiture. Mes pensées divaguent dans la campagne normande. Un invité, dont je tairais le nom, (d’ailleurs le lendemain, jour d’écriture de cette chronique, je ne m’en souviens même plus après m’être promis pourtant de le mémoriser…), pontifie sur ses goûts. Peu importe d’ailleurs son patronyme sans importance, cet ego répandu dans la suffisance vaut comme symptôme de notre époque qui marche sur la tête.

Monsieur aime Don Giovanni de Mozart. D’ailleurs il l’a mis en scène et bientôt, rendez-vous compte, on pourra mesurer l’étendue de son génie à… Rouen. Péremptoire, Monsieur a fait sauter la dernière scène qui se présente comme un quintette vocal sublime parce qu’il n’aime pas les happy end et que la réconciliation des contraires du libertin désirée par le librettiste et le compositeur ne lui plaisent pas… Monsieur a remplacé le Commandeur, figure de la Loi, figure du Père, et, selon la volonté expresse de Mozart, fantôme du père de Dona Elvira tué par Don Juan lui même, par une femme nue… Monsieur a supprimé la damnation consubstantielle au drame lui-même et fait se suicider le héros par revolver, car il veut que Don Juan maîtrise son destin jusqu’au bout en décidant de sa mort…

Qui est ce Monsieur pour se permettre de corriger la copie de Mozart ? De tailler dans le vif du livret et de raturer la partition ? De mettre son goût et ses préférences en avant, au détriment d’un génie planétaire pris en otage par sa médiocrité ? Quelle est sa légitimité à traiter le grand librettiste et le sublime musicien comme des élèves d’une classe de primaire corrigés avec le crayon rouge de l’instituteur ? Qu’est-ce qui l’autorise à croire que sa volonté peut primer celle des gens qu’il est censé servir et dont il se sert comme un voyou ? Et que penser de ce mépris du public auquel on vend pour une œuvre de Mozart le sous-produit d’un minable ?

L’époque est désespérante à plus d’un titre. Mais elle est névrosée jusqu’à la moelle quand elle laisse libre cours à de quasi inconnus qui, non contents d’ignorer qu’ils n’égalent pas les génies qu’ils sont payés pour servir, affirment tout net qu’ils les dépassent en sabotant leur travail. La mise en scène semble souvent le refuge de médiocres qui, bouffis d’orgueil, remplis d’un ego surdimensionné, travaillés par le ressentiment de n’avoir pu être ni librettiste, ni compositeur, pensent qu’en massacrant le travail des autres, sous prétexte de propositions conceptuelles, ils surpassent ceux qu’ils ne parviendront jamais à égaler. Un nain juché sur les épaules d’un géant restera un nain. Mais notre époque vit de nains autoproclamés géants

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